Le silence est parfois particulièrement le plus grand maître. Je l’ai découvert lors d’une retraite spirituelle dans un monastère bénédictin perdu dans les collines du Beaujolais. Trois jours sans prononcer le moindre mot, uniquement accompagné par mes pensées et le bruissement du vent dans les feuillages. Cette expérience a profondément transformé ma relation à la parole, à l’écoute et à la présence divine qui nous entoure.
La décision d’embrasser le silence
Notre société moderne valorise l’expression constante. Les réseaux sociaux, les conversations incessantes, les notifications permanentes – tout nous pousse à l’extériorisation. Face à ce tumulte quotidien, j’ai ressenti l’appel du silence comme une nécessité spirituelle impérieuse.
Ce n’était pas une décision impulsive. Après des semaines de préparation intérieure, j’ai organisé cette retraite silencieuse, inspiré par les pratiques des Pères du désert qui recherchaient Dieu dans la solitude et le dépouillement. Le silence n’est pas qu’absence de bruit, mais présence à soi-même et à Dieu.
Je me souviens encore de mon arrivée au monastère, l’anxiété qui m’étreignait à l’idée de ces trois jours sans communication verbale. Le Père Abbé m’accueillit avec un simple hochement de tête compréhensif. Ses yeux reflétaient une paix intérieure forgée par des décennies de prière contemplative.
Les règles étaient simples :
- Aucune parole prononcée sauf pendant les offices
- Pas d’appareils électroniques
- Participation aux marches méditatives quotidiennes
- Temps de lecture spirituelle guidée
- Moments de solitude en nature
Les premières murmures de l’esprit
Le premier jour fut le plus difficile. Mon esprit, habitué au bruit permanent, s’agitait comme un animal en cage. Pensées obsessionnelles, préoccupations matérielles, souvenirs envahissants – tout semblait surgir avec une intensité décuplée dans l’espace libéré par l’absence de paroles.
Lors de ma marche matinale dans les sentiers boisés entourant l’abbaye, j’ai remarqué combien ma respiration était saccadée, mon corps tendu. Notre Seigneur lui-même nous a enseigné l’importance de ces moments de retrait – « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu » (Marc 6:31).
Voici les principales phases que j’ai traversées durant cette première journée :
Moment de la journée | État intérieur | Prise de conscience |
---|---|---|
Aube | Agitation mentale | Dépendance au bruit |
Midi | Impatience | Résistance à la lenteur |
Soir | Fatigue émotionnelle | Début d’apaisement |
La révélation du deuxième jour
Le deuxième jour, quelque chose d’extraordinaire s’est produit. À mesure que mes pensées tumultueuses se calmaient comme les eaux d’un lac après la tempête, une clarté nouvelle est apparue. Les murmures de mon esprit changeaient de nature – plus profonds, plus authentiques.
Durant ma marche contemplative le long d’un ruisseau, j’ai ressenti cette présence divine que Saint Augustin décrivait comme « plus intime à moi-même que moi-même ». J’ai compris que ces trois jours n’étaient pas un exercice d’isolement mais de communion véritable.
J’ai redécouvert la beauté du Psaume 46 : « Arrêtez, et sachez que je suis Dieu. » Dans notre paroisse de Roanne, nous invitons souvent les fidèles à cultiver ces moments de contemplation, mais les vivre avec cette intensité était une grâce particulière.
L’harmonie retrouvée du troisième jour
Le troisième jour a apporté une paix indescriptible. Les murmures de mon esprit s’étaient transformés en une mélodie harmonieuse, où les préoccupations terrestres trouvaient leur juste place.
Ma dernière marche silencieuse m’a conduit jusqu’à une petite chapelle romane abandonnée. Le temps semblait suspendu, et dans ce lieu imprégné de prières séculaires, j’ai ressenti cette communion des saints dont parle notre tradition.
Ce que mon esprit m’a véritablement murmuré durant ces trois jours, c’est que le silence n’est pas absence mais plénitude. Il ne s’agit pas de fuir le monde, mais de l’accueillir différemment, avec une conscience renouvelée.
Aujourd’hui, de retour parmi la communauté des fidèles, j’intègre quotidiennement des moments de silence sacré. Cette expérience m’a rappelé que notre foi catholique, loin d’être uniquement dogmatique, nous invite à cette expérience directe du mystère divin, dans l’intimité du cœur.