J’ai assisté à une messe évangélique en Afrique : je ne pensais pas être autant bouleversé

Religion

Par Nicolas

J’ai assisté à une messe évangélique en Afrique : je ne pensais pas être autant bouleversé

Lors de mon dernier voyage en Afrique subsaharienne, j’ai vécu une expérience spirituelle qui a profondément bouleversé ma conception du culte chrétien. Comme rédacteur pour le blog de l’église de Roanne et catholique pratiquant depuis mon plus jeune âge, je pensais connaître toutes les facettes de la célébration religieuse. Quelle erreur ! Ce dimanche de janvier, sous un soleil de plomb, j’ai assisté à une messe évangélique qui a transformé ma vision de la foi et de sa manifestation collective.

Une immersion totale dans la ferveur évangélique africaine

Le petit village se situait à quelques kilomètres de Lomé, au Togo. Dès mon arrivée devant le modeste bâtiment aux murs blanchis à la chaux, j’ai été saisi par les chants qui s’élevaient avec une puissance inouïe. Contrairement à nos églises européennes où règne souvent une atmosphère de recueillement silencieux, ici tout n’était que mouvement, couleur et musique.

J’ai pris place sur un banc en bois, observant avec curiosité ce qui m’entourait. Les fidèles, vêtus de leurs plus beaux habits, formaient une mosaïque éclatante de couleurs vives. Les femmes portaient des pagnes aux motifs géométriques complexes, des coiffes élaborées qui témoignaient d’un soin particulier accordé à leur apparence pour honorer le Seigneur.

La chorale, composée d’une vingtaine de personnes, était accompagnée de percussions traditionnelles et d’un synthétiseur. Les voix s’élevaient en harmonies parfaites, alternant entre des cantiques en français et en éwé, la langue locale. Je me souviens particulièrement d’une jeune femme dont la voix cristalline semblait toucher directement le ciel – j’ai senti mes yeux s’embuer d’émotion devant tant de beauté vocale.

Ce qui m’a particulièrement marqué fut cette liberté d’expression corporelle dans la prière. Nulle trace de la retenue européenne ! Ici, les corps parlaient autant que les voix, dansaient avec la même dévotion qu’ils priaient. Une communion totale entre l’esprit et la chair.

Différences fondamentales avec nos célébrations occidentales

Cette expérience m’a permis d’identifier plusieurs différences majeures entre les célébrations évangéliques africaines et nos messes catholiques traditionnelles :

  1. La dimension temporelle – Alors que nos messes durent rarement plus d’une heure, la célébration à laquelle j’ai assisté s’est étendue sur près de quatre heures, sans que personne ne montre le moindre signe d’impatience.
  2. L’expression corporelle – La danse et les mouvements sont considérés comme des formes légitimes d’adoration.
  3. La participation communautaire – Chaque membre peut intervenir, témoigner, partager ses épreuves et ses joies.
  4. L’intensité émotionnelle – Les sentiments sont exprimés sans retenue, des larmes aux rires extatiques.
  5. Le rapport au temps – La célébration n’est pas contrainte par l’horloge mais par le ressenti spirituel collectif.

Lors de la prédication, le pasteur parlait avec une éloquence saisissante et une énergie physique impressionnante. Il marchait, gesticulait, élevait la voix puis la baissait en un murmure. Son sermon ne suivait pas un texte écrit mais semblait jaillir spontanément, ponctué d’interactions constantes avec l’assemblée qui répondait par des « Amen! » et « Alléluia! » retentissants.

Célébration catholique européenne Célébration évangélique africaine
Durée moyenne de 45-60 minutes Durée de 3-5 heures
Expression corporelle limitée Danse et mouvements intégrés
Émotions contenues Expressivité émotionnelle encouragée
Structure liturgique stricte Flexibilité et spontanéité

Le bouleversement spirituel que j’ai ressenti

Je pensais observer cette cérémonie avec le détachement du visiteur culturel. Quelle présomption ! Progressivement, je me suis trouvé emporté par cette vague d’émotion collective et authentique. Lorsqu’une femme s’est levée pour témoigner de sa guérison après des années de maladie, sa gratitude était si palpable que j’en ai eu la chair de poule.

Un moment particulier reste gravé dans ma mémoire. Pendant la prière d’intercession, le pasteur a invité ceux qui souffraient à s’avancer. Une longue file s’est formée. À ma grande surprise, je me suis levé aussi, poussé par une force intérieure que je ne m’explique toujours pas. Lorsque le pasteur a posé ses mains sur mon front en priant pour moi en éwé, j’ai ressenti une chaleur intense traverser mon corps comme un courant électrique bienveillant.

Cette expérience m’a rappelé que la foi, dans son essence, transcende les formes culturelles que nous lui donnons. La foi africaine, expressive et communautaire, m’a fait redécouvrir des dimensions oubliées de ma propre spiritualité. Elle m’a montré combien nos pratiques occidentales peuvent parfois sembler aseptisées, privées de cette joie fondamentale qui devrait caractériser la rencontre avec le divin.

En quittant ce village togolais, j’emportais avec moi bien plus qu’un simple souvenir touristique. Cette messe évangélique avait secoué les fondements mêmes de ma pratique religieuse, m’invitant à repenser ma relation personnelle avec Dieu et avec la communauté des croyants.

Laisser un commentaire